Maintenant, à cette heure là même, des hommes, des femmes et des enfants arrivent des quatre coins du monde. Ils viennent de loin, ils se laissent porter comme leurs bagages d’une file d’attente à une autre. Ils portent des valises qui contiennent des objets qui se mêlent aux vêtements des déracinés, mais à l’intérieur chacun porte en soi une autre valise où sont gardés les jeux d’enfance, le sourire de la grand mère, l’odeur du pain sorti du four à la maison des parents, des chansons chantées à l’unisson pour rythmer les jours et les nuits, les poèmes appris à l’école, la première danse et le premier amour, et le dernier… Ces valises passent sans problèmes les frontières, car il n’a pas de détecteurs pour les secrets de l’âme….
C’est de cette valise gardée à l’intérieur que la conteuse sort les récits tissés des souvenirs du départ de son pays natal, Cuba, et de l’arrivée dans un nouveau lieu, mais aussi l’ arrivée dans une nouvelle géographie du langage. Accueillir, mélanger, accoucher des nouveaux mots, décrypter les sons, et se découvrir peu à peu avec un nouvel accent, et avec lui prononcer une nouvelle vie…
Mercedes Alfonso raconte une tranche de vie entre deux pays, deux cultures et deux langues, d’une part l’espagnol langue maternelle, et de l’autre le français langue d’adoption, deux langues qui donnent parfois naissance à une autre encore momentanée, éphémère, et orale. C’est une histoire de langues qui parle aussi de la question si vaste de l’exil et de l’identité.